La description comme contrefaçon : de la transposition d'art à la « trahison d'art >>
Une ekphrasis ne décrit jamais une œuvre. Elle la transforme, la camoufle, la maquille, la détourne, et parfois même en invente là où il n'y en a pas, voire en forge d'impossibles. L'ekphrasis est déceptive car elle ne peut restituer un objet qui lui est irréductiblement étranger. L'œuvre plastique n'a pas les mêmes conditions de production que l'énoncé descriptif, ils ne tirent donc pas leur sens du même contexte culturel, du même horizon d'attente. Plus encore, ils n'ont pas la même fonction, pas le même public, leur réception n'est pas médiatisée par les mêmes discours esthétiques.
L'ekphrasis est essentiellement le produit d'une interférence entre deux ères culturelles. La « trahison » consiste dans le fait d'introduire une œuvre d'art dans un système d'appréciation esthétique qui lui est étranger. De cette décontextualistation-recontextualisation, l'œuvre plastique ressort méconnaissable, travestie, recréée. Cet article expose les ressorts de ce type de « contrefaçon » en examinant quelques exemples dans la poésie du XIXe siècle français (Aloysius Bertrand, Théophile Gautier, Verlaine) et en déduit la portée en termes de valeurs esthétiques.