<< [...] Et depuis un certain jour d'octobre 1939, je n'ai jamais plus écrit sans non plus dessiner [...] »: les modalités du « déplacement des activités créatrices »2 chez Antonin Artaud et Henri Michaux

Les œuvres d'Antonin Artaud et de Henri Michaux ouvrent un espace original où pratique picturale et pratique scripturale ne sont plus séparées que par le jeu d'un « déplacement-dégagement », pas de côté ou ligne de fuite où se configure un continuum expressif qui lie de manière indissociable la lettre et la pulsion graphique. Or, la mise en place de ce nouveau plan expressif se fonde sur un renouvellement de la pratique artistique qui se donne pour modèle le geste conjoignant graphe et signe en une même langue directe. Il faut alors faire droit à la force constituante du geste : en s'exprimant, le sujet se construit et destitue toute mimésis au profit de l'inscription anti- représentative et vivante de son corps sur la page. Artaud et Michaux tiennent alors ce pari insensé d'une œuvre éternellement vive puisque résidant en un geste non réductible à un ensemble de traces - au produit d'un tracé-, geste confié in fine à la l'attention patiente d'un lecteur qui saurait le faire revivre en son propre corps.