Écrire en peintre.Le «< cantabile de la neige » chez Philippe Jaccottet
En relisant Requiem (1947) suivi de Remarques (1990) ou bien les Poésie 1946-67 et les Semaisons - le premier volume au moins daté de 1954-67 (Paris, Gallimard, 1971) qui correspondent à peu de chose près aux éditions de Début et fin de la neige ou de Ce qui fut sans Lumière chez Yves Bonnefoy -, force est de constater que les thèmes de l'hiver et de la neige y sont déjà présent, près à s'épanouir. Dans les œuvres plus tardives, l'invisible n'y est jamais aussi émouvant que conjugué à la fragile migration des choses, à la dispersion et à l'éparpillement : constellations sur la terre, mouvement de leur don vers la terre comme on s'approche d'un corps, de la peau, entamant un dialogue avec la matière récalcitrante du poème. De nombreuses métaphores - qu'il s'agisse d'évoquer la ligne et l'interligne, les blancs du silence, de l'ellipse ou de l'absence, ou bien la couleur par éclats y traduisent cet empiétement réciproque du visible et de l'invisible, prégnants l'un et l'autre, qui en faisant lever des figures de l'infigurable, confronte également le lecteur au langage et à son explosion ou à son épuisement, à la suspension du
sens.
Pour cerner le lieu d'éclosion de cette poétique il incomberait en premier lieu de traquer celle-ci là où elle ne se donne pas à penser, dans sa résistance, ou au contraire sa défaillance, son effondrement; là où la réflexion au sens d'un retour à l'image, à la ressemblance et à soi, s'avère nettement insuffisant.